Le vieux château du Renouard
cliquez sur le logo pour revenir à la page d'accueil
«
Moi Madelon, j'estoy fille du Renouard.
De
plusieurs fut chérie et de tous estimée.
Devançant
par mérite encore la renommée.
Je
demeurai ravie en ce grand désarroy.
Du
bras du gouverneur, du lieutenant du Roy.
Qui
sienne me tenait comme parent et père.
Me
nourrissant aussi comme sa fille chère. »
A
moins que les détails de l'armure et du costume ne s'y opposent formellement
et ne constituent un anachronisme évident, le chevalier peint sur le mur
doit être le défenseur du Mont-Saint-Michel.
« Dedans
Rouen, le quatriesme du mois
Qui
tient de verd toute la terre ornée,
Se
célébroit un feslin d'hymenée
Dont
se seraient bien contentés les Rois.
Là,
par sur tout une Nimphe de chois
De
sa beauté la noce avait parée,
Et
lors qui l'eust du festin séparée
II
eust été sans soleil cette fois.
On
n'en verra jamais de telle au monde,
En
ses beautés elle estoit sans seconde,
De
l'univers l'honneur et l'ornement.
Au
bal, aux jeux, chacun vouloit paroistre
Quand
un grand feu qui lors soudainement
Tout
dévorant la fist là disparaître. »
« Ce
jour fatal la belle estoit vestue
De
verd et blanc ; et ce taffetas verd
Son
bel espoir montroit à découvert
Et
cet argent sa foi purement nue » (son. 10).
Il
peint le désespoir de la dame de Carrouges qui avait amené à Rouen la
« nimphette Madelon »
«
Las ! on voyait de Carrouges
la dame
Deçà,
delà, courir échevelée,
Les
bras croisés, dire : hélas ! désolée
Quelle
douleur mon poure cœur entamé !
Las !
que dirai-je, ô malheureuse femme,
A
ses parents qui me l'avoient baillée ?
Ce
moys pour moy n'a la terre émaillée
Car
un hyver fait en moy celle flamme, v
(son. 18.)
Mieux vaudrait y écrire ces huit vers charmants de grâce et de simplicité, extraits des soixante-quatorze de son épitaphe que notre intarissable poëte avait ajoutée en façon de bouquet à ses trente-trois sonnets :
«
Moy, Madelon, j'estoy fille du Renouard
(Du
vieil sang de Baillcul) brûlée en ce hasard ;
De
plusieurs fus chérie et de tous estimée,
Devançant
par mérite encore la renommée
Je
demeurai ravie en ce grand désarroy
Du
bras du gouverneur, du lieutenant de Roy
Qui
sienne me tenoît comme parent et père.
Me
nourrissant aussi comme sa fille chère ».
«
Dieu vueille détourner cet orage de nous
Et
le détourne aussi des prudents et de tous
Et
toy qui lis ces vers, pour toi prens-y bien garde,
Car le commun malheur tout le monde regarde "...
II se faisait tard, la nuit venait déjà et la cloche du château moderne nous arracha malgré nous aux mélancolies du vieux La Fresnaye et aux souvenirs des victimes du 4 mai 1559. Ce fut, en traversant des communs où les constructions anciennes ont laissé d'importants échantillons, en côtoyant la vieille tour, ce fut surtout en jetant un coup d'œil, hélas ! trop hâtif, sur les merveilles d'un jardin où l'élégance des fleurs le dispute à la beauté des fruits, grâce aux soins actifs et ingénieux d'un jardinier intelligent, que nous regagnâmes le salon et la salle à manger où les membres de l'Association normande reçurent un accueil dont le souvenir restera dans leur mémoire. Ils étaient entrés comme des visiteurs et des étrangers; après le dîner leurs hôtes faisaient inscrire leurs noms sur la liste des membres de l'Association, et quand il fallut prendre congé, les adieux se firent entre des confrères et des amis.
Caen,
Typ. F. Le Blanc-Hardel.
(1) de Bras, cité par M. Gaston Le Hardy, Hist. du Prot. en Basse-Normandie, p. 176.